LA BÊTA-LECTURE
Un article pour une étape que j’estime INDISPENSABLE.
Oui, à ce point.
Qu’est-ce que la bêta-lecture, déjà ?
Ce sont des personnes qui vont lire votre roman et en faire un retour argumenté dans le but de l’améliorer.
En général, on envoie le roman une fois terminé et corrigé une première fois par l’auteur lui-même, mais avant la réécriture et les corrections finales. Pourquoi ? Eh bien, vos bêta-lecteurs vont vous aider à pointer ce qui ne marche pas dans votre roman et c’est suite à ça que vous pourrez effectuer votre réécriture.
Je vois que la BL n’est pas claire, souvent, et effectivement, chacun en a une version assez personnelle. Mais ce qui est sûr, c’est que ce n’est PAS des corrections orthographiques, encore moins typographiques. La forme n’est pas du tout au centre des BL.
Quoi demander à ses BL/quoi offrir aux auteurs à qui je fais une BL :
trois points qui se complètent :
1) Des remarques tout au long du texte
2) Un bilan à chaque fin de chapitre
3) Un bilan général à la fin du roman
Des remarques tout au long du texte
D’accord, mais des remarques sur quoi ?
Sur tous les points possibles et imaginables concernant le fond : telle réaction ne correspond pas au perso, tel point est incohérent, tel point est redondant, je ne comprends pas tel point, tu vas trop vite sur ce passage, trop lentement, je me suis perdu dans ta description, à tel point je me pose telle question (vérifie que tu y répondras), etc.
MAIS n’oubliez pas de souligner aussi le positif : tel passage est magnifique, j’adore telle réaction/réponse de tel perso, ta description permet de visualiser les lieux, tel passage rend bien l’action/la tension/la lassitude, etc.
Un bilan à la fin de chaque chapitre
Et des bilans à chaque chapitre ? Eh oui ! Même si vos réflexions se révèlent faussées par la suite (ex : ça devient ennuyant, quand arrive l’action ? Et BAM pic de tension au début du chap. suivant), c’est EXTRÊMEMENT important de savoir ce que pense le lecteur à ce stade précis du récit.
On ne veut pas que le BL devine ce qu’il va se passer, on a besoin de ses ressentis à ce moment du récit. Ne sous-estimez jamais les ressentis, c’est vraiment précieux.
OK, mais Bleuenn, concrètement, on dit quoi dans ces bilans ?
En vrai, tout ce qui vous est passé par la tête en lisant ce chapitre, que je peux diviser en plusieurs catégories :
- les personnages (lesquels vous aimez, lesquels non, pourquoi, qu’est-ce qu’ils vous inspirent, sont-ils assez complexes, profonds, au contraire manichéens ou basés sur un seul trait de caractère, etc)
- l’intrigue (y a-t-il assez de tension ? De péripéties ? À votre avis, que va-t-il se passer ensuite ? Le rythme est-il bon ? Est-ce qu’on sent une progression ?)
- la cohérence (il faut que tout tienne debout, l’intrigue, les personnages, etc)
- l’ambiance (vous visualisez bien les lieux ? L’atmosphère ? Comment vous la ressentez ?)
- les dialogues (crédibles ? Réalistes ? Naturels ? Collent aux perso ?)
- tout ce à quoi vous penser
BREF, ne vous posez pas trop de limites quant à ces petits bilans, dites tout ce qui vous semble important à transmettre à l’auteur.
Un bilan général à la fin du roman
Le bilan général reprend la structure des bilans de chapitre. Sauf que, bien sûr, vous avez lu tout le roman, donc vous allez rédiger vos impressions finales sur toutes ces catégories.
On peut peut-être mettre ce bilan en parallèle avec les chroniques de romans, mais en ultra détaillé.
Parce que oui, je suis désolée de vous le dire, mais ce bilan ne fait pas deux paragraphes, mais plutôt deux pages (et encore, deux pages, c’est peu : j’en ai reçu certaines dont le bilan global faisait plus d’une dizaine de pages). Vous devez de la matière à l’auteur de réfléchir sur son roman. Donc vous devez expliciter tous vos ressentis sur chaque point, pour qu’il comprenne ce que vous avez saisi et pensé. RIEN n’est bête. Si vous n’avez pas compris certains points, ne pensez pas que vous êtes bêtes : dites-le.
N’oubliez évidemment pas le positif ! Pensez toujours à souligner ce que vous avez aimé : c’est aussi important que les points négatifs, ça permet à l’auteur de savoir ce qu’il a réussi.
L’auteur peut aussi tout à fait demander à ses BL de faire attention à des points précis car ils lui posent problème. Ex : mon système de magie est-il bien compréhensible ? Mes descriptions sont-elles suffisantes ? Ma fin est-elle assez percutante ? etc.
Il peut aussi demander de ne pas faire attention à certains points (moi je demande de ne pas faire attention à la forme, en général).
Quant à la forme ?
Ce n’est pas la place de la BL. La BL se concentre sur le fond. Vous pouvez toutefois relever des phrases lourdes ou maladroites, des répétitions ou corriger des fautes mais vraiment, ce n’est pas obligatoire, donc ne passez pas de temps là-dessus.
Seule exception : les tics d’écriture. Chaque auteur a ses tics. Découvrez les siens et pointez-le-lui, qu’il puisse s’en apercevoir. (Quels sont les tics ? Ex : toujours faire des rythmes ternaires, ou préciser la matière de chaque objet ou mettre des points de suspensions partout, ou tous les personnages qui se mordillent la lèvre, etc).
Donc on n’évoque pas la forme (ou le moins possible) dans les remarques : on l’évoque seulement dans les bilans pour en parler de manière plus globale.
L'objectif d'une bêta-lecture
N’oubliez pas l’objectif de cette BL : que l’auteur sache ce qui ne fonctionne pas dans son roman et qu’il ait des pistes pour améliorer ces points.
Pour les pistes : vous pouvez les incorporer directement dans votre BL, dans ce cas ne soyez pas autoritaires : proposez (et ne vous vexez pas si l’auteur ne suit pas votre idée). Certains auteurs préfèrent y réfléchir eux-mêmes et discuteront avec vous ensuite des idées qu’ils auront eues.
Eh oui, la BL s’arrête rarement au moment d’envoyer le texte : souvent l’auteur voudra en discuter avec vous ou aura des questions à vous poser, des précisions à demander.
Pour résumer, n’oubliez pas : le bêta-lecteur propose, l’auteur dispose.
Pourquoi est-ce aussi indispensable ?
Parce qu’en tant qu’auteur, RIEN ne vous permettra d’améliorer autant votre roman. Vraiment.
On peut être un excellent auteur, rien ne vaut un avis extérieur. Parce qu’on est trop dans le roman, empêtrés dedans même, si bien qu’on n’en voit pas/plus les défauts et on a besoin que quelqu’un les pointe pour nous.
Aucun texte n’est parfait, c’est important d’être honnête avec soi-même.
Or, c’est important d’aboutir à la meilleure version possible pour l’envoyer à des éditeurs.
Vous allez me dire : mais les BL vont dénaturer mon texte, ils vont pas le comprendre, ils vont voir ce qu’ils veulent voir et pas ce que j’ai voulu transmettre, ouin ouin.
- Si vous choisissez les bons BL ça n’arrivera jamais
- Si vous n’êtes pas prêts à vous soumettre à une critique extérieure, vous n’êtes pas prêts pour l’édition
- Vous n’êtes en aucun cas obligé de tout changer à cause de ces retours : c’est à VOUS de faire le tri et de décider ce que vous voulez garder ou non. À vous de voir COMMENT vous voulez modifier votre texte. Le BL est là pour pointer ce qui ne fonctionne pas, mais vous en faites ce que vous voulez. Par contre, si vous rejetez tout en bloc, alors il est probable que le problème vienne de vous.
- Vous devez être prêts à accepter que votre texte n’est pas parfait, qu’il a besoin de changements, et que les BL ont probablement mis le doigt sur ce qui n’allait pas. Mettez de côté votre ego.
À combien de personnes demander une bêta-lecture ?
Que garder dans les commentaires ? Que faire si je ne suis pas d’accord ?
Mon avis (personnel, subjectif) :
Je pense que le minimum, c’est trois bêta-lecteurs. Pourquoi ?
> quand UN BL critique certains points, la plupart du temps, je n’y prête pas beaucoup attention, sauf si c’était un point qui me chiffonnait déjà
> quand DEUX BL critiquent certains points, j’y réfléchis attentivement, parce qu’ils ont probablement raison, donc je me penche sur la question de manière approfondie.
> quand TROIS BL critiquent les mêmes points, il n’y a pas à réfléchir ; ils ont raison. Eh oui. Donc on réfléchit à comment modifier au mieux. Même si je ne suis pas d’accord, si les 3 BL eux sont d’accord, ce n’est PAS une coïncidence, donc ne montez pas sur vos grands chevaux et admettez que vous pouvez avoir tort et pensez-y.
Ça fonctionne avec + de 3 BL, bien sûr, vous adaptez en conséquence, mais c’est pour ça que 3 est pour moi le minimum pour un fonctionnement optimal.
Évidemment, chaque lecture et chaque critique est subjective. Mais quand elles se recoupent : ne les ignorez pas.
Comment trouver un bêta-lecteur ?
Cette question revient souvent, surtout pour les auteurs débutants qui n’ont pas de réseau. Donc je vais me concentrer là-dessus, parce que lorsqu’on est plus avancés, on a des buddies d’écriture qui servent justement à ça, héhé.
- Les forum d’écriture. Personnellement, c’est comme ça que j’ai commencé. Alors oui, les forums, c’est donnant-donnant, il faut s’investir pour recevoir – c’est normal. Donc assurez-vous d’avoir du temps et d’être prêts à vous consacrer aux autres. En même temps, je vous le garantis : BL d’autres gens, c’est un excellent moyen de progresser soi-même. En découvrant les défauts des autres, vous ferez plus attention à ces points sur vos propres textes. C’est un exercice extraordinaire pour apprivoiser les constructions des récits et apprendre. Je recommande VIVEMENT aux auteurs de proposer des BL à d’autres auteurs, surtout si vous débutez, vraiment. En plus, en faire vous mettra dans la peau du BL, et ça vous évitera de vous vexer lorsque ça sera votre tour d’en recevoir une.
- Vos réseaux sociaux : normalement vous suivez et êtes suivis par d’autres auteurs, ou des gens du milieu… non ? Si oui, n’hésitez pas à partager vos pitchs et à demander si quelques personnes seraient intéressées pour le BL. Souvent, on est étonné par le nombre de gens qui répondent présents ! Si non : alors c’est le moment de vous intéresser un peu aux autres. Abonnez-vous aux pages des maisons d’éditions, éditeurs, librairies, libraires, bibliothécaires, auteurs, illustrateurs. Apprenez à connaître et à vous faire connaître dans le milieu : partagez des threads, des conseils, publiez des trucs, etc.
- Il y a beaucoup de discord concernant l’écriture, aussi. Ça ressemble des communautés d’auteurs : n’hésitez pas à les rejoindre ! Comme ailleurs, il faudra vous intéresser aux autres aussi, mais comme sur les forums, si vous n’êtes pas prêts à le faire, vous ne pouvez pas vous plaindre de ne pas trouver de BL.
- Passer par des éditeurs indépendants. Bon, deux trucs chiants : il faut les payer, ça peut coûter cher et on a pas toujours les moyens ; et il faut trouver des vrais pro’, parce que ce genre de site fleurit en ce moment mais leurs auteurs sont en réalité tout aussi débutants que vous… Ceci dit, si on a les moyens ou l’envie de consacrer un budget à ça, c’est une possibilité très intéressante.
- N’hésitez pas à vous rendre aussi dans des lieux « physiques » pour rencontrer des gens (bon ok pas en ce moment) : les salons, les ateliers d’écriture. Ce sont des endroits plein de gens qui ont la même passion que nous ! Et c’est souvent très familial, très facile d’aborder des inconnus : ils ont la même passion, je le répète. C’est l’occasion de rencontrer des gens qui peuvent devenir des amis et/ou des BL !
Tout ça se construit dans le temps, oui. Non, vous n’allez pas forcément trouver vos BL en un claquement de doigts. Si on ne connaît personne et qu’on est timide, je vous conseille vivement les forums d’écriture si on a du temps et les RS si on en a moins. Échangez. Interagissez. Intéressez-vous.
À titre personnel, je préfère confier mes textes à des gens que je connais un minimum. Ceci dit, rien ne vous y oblige.
Comment choisir ses bêta-lecteurs ?
Comment savoir si un bêta-lecteur est bon ?
Malheureusement, vous ne le saurez qu’après avoir reçu sa première BL ! Vous saurez alors juger, ne vous inquiétez pas : vous verrez bien si la BL vous est utile ou pas. Donc il faut oser se lancer. Après, soyons honnêtes : on a toujours des pressentiments. Fiez-vous à votre instinct et faites-vous confiance.
Évidemment, pouvoir avoir des BL qui sont du milieu est un gros avantage. Un auteur implanté, un éditeur, évidemment, saura voir des choses qu’un lecteur lambda ne verra pas. Par exemple concernant la structure du récit, il a bien sûr l’habitude de savoir si une intrigue fonctionne ou pas. Il a l’habitude de repérer ce qui ne va pas dans un texte
Toutefois, on a pas toujours ça dans sa besace.
De ma propre expérience, mes bêta-lecteurs se complètent : certains très axés sur les incohérences, d’autres sur les personnages, d’autres sur l’ambiance rendue, d’autres sur la structure de l’intrigue, etc.
D’où l’intérêt de connaître les forces et les faiblesses de ses bêta-lecteurs : plus on connaît ses bêta-lecteurs, plus on saura mieux prendre en compte leurs retours. C’est une relation qui se noue sur le long-terme, pour moi, pour vraiment bien travailler avec eux. Il faut les respecter aussi, pour respecter leur avis.
JAMAIS je ne pars du principe qu’ils ont tort. Au contraire. Je pars toujours du principe qu’ils ont raison et que je dois réfléchir à ce qu’ils me disent.
En général, je conseille de trouver des BL qui aiment/ont l’habitude de lire des romans du même genre que le vôtre et qui appartiennent à votre public cible.
(Qu’on ne vous reproche pas d’être « trop jeunesse » si c’est de la jeunesse ou « trop imaginaire » si c’est de l’imaginaire, par exemple.)
Toutefois, des gens hors cible peuvent aussi avoir des retours intéressants.
J’évite aussi la famille, parce que les gens trop proches ne sont pas toujours susceptible de rendre un avis objectif. Mais il y a toujours des exceptions !
Comment savoir si on est prêt à être bêta-lecteur ?
Tout d’abord, je veux mettre au clair une chose : TOUT LE MONDE peut être bêta-lecteur. Oui.
Comme j’ai essayé de vous le faire comprendre : la BL est aussi une histoire de ressentis. Et ça, n’importe quel lecteur est capable de dire ce qu’il a ressenti en lisant.
Deuxième point : connaître ses forces et ses faiblesses. Pour ça, demandez-vous à quoi vous faites attention en tant que lecteur : vous êtes surtout sensibles aux personnages ? À l’écriture ? À l’ambiance ? À la complexité et la cohérence de l’intrigue ?
Plus vous serez sensibles à l’un de ces points, plus vous serez aptes à en faire la critique dans un roman.
Faites-vous confiance. Par contre, si vous savez que certains points vous échappent (par exemple la construction de l’intrigue), dites-le à l’auteur. Précisez aussi si vous êtes bon public ou au contraire très exigeant.
Pour moi, tout le monde est capable de faire une BL, à partir du moment où on lit beaucoup. Si on écrit/a l’habitude de critiquer c’est encore mieux, mais pas obligatoire.
Si vous avez peur, restez sur ce que vous connaissez le mieux, mais exprimez-vous. Vous êtes légitimes.
Par contre, ne prenez pas la place de l’auteur ! Lui seul décide de ce qu’il changera et comment. Vous donnez seulement un avis subjectif. Il en fait ce qu’il en veut, ne l’oubliez pas. Ne vous vexez pas s’il ne prend pas en compte toutes vos remarques.
Si vous souhaitez être éditeur, c’est en plus une excellente façon de vous frotter à ce type d’exercices, même si l’éditeur prend en plus en compte la forme.
Questionnaire pour les bêta-lecteurs
J’avais mis au point un petit questionnaire pour mes BL, dont je vous transmets les questions : elles pourront peut-être vous aiguiller, en tant qu’auteurs pour savoir ce que vous attendez, en tant que bêta-lecteurs pour savoir quoi dire.